Irish heartbeat

Rédigé par Rock critique / 30 juin 1988 /

Van Morrison, vous connaissez : c’est un des monuments inébranlables du rock irlandais, qui éparpille magnifiquement sa soul rageuse depuis bien des années. Les Chieftains, vous connaissez sans doute moins, mais vous les vénérez sans le savoir au travers des Pogues qui leur ont emprunté l’essentiel de leur zizique après l’avoir sérieusement imbibé d’une corrosive rasade de modernité éthylo-punk. Ces Chieftains, leurs bagpipes, leurs sifflets aigrillards, leurs violons couinants, leurs bobines impayables, c’est aussi un monument en Irlande.

Evidemment, quand ces deux monuments se rencontrent pour un disque. on ne peut obtenir qu’un dialogue monumental. Sur fond de folk celti-que bien nappé de gaélique, Morri-son et ses biniouteux complices se délectent à jouer la musique qui a bercé leur enfance, cette alerte musique d’Irlande qui pourrait aussi bien s’appeler du rock tant elle partage avec ce que nous aimons le même swing, les mêmes élans, le même goût des rengaines sincères et des émois authentiques. Beaucoup retrouveront d’ailleurs ici bien des ingrédients de la pub music des Pogues, mais on évidemment bien plus distingué, plus élaboré, c’est déjà de la musique savante et pas simplement un joyeux foutoir houblonneux comme celui des édentés.

Cela dit, si ce disque suit ceux des Pogues, il les précède historiquement : rendons aux Chiefs et au grand Van ce qui n’appartient que par héritage à nos trublions adorés. Ceux qui vénèrent Mark Knopfler trouveront d’ailleurs aussi leur compte dans ce disque à la sève magique qui possède le même esprit de lande que son » Cal « . C’est dire s’il est beau.

Source

Hervé Picart, in Best, juin 1988


Il paraît qu’il faut absolument adorer les Pogues, qu’ils ont inventé quelque chose. En plus, ils sont too much, leur chanteur est édenté et ils éclusent des tonneaux de bière. Super ! Qu’ont-ils inventé ? Cela fait vingt ans que des groupes mixent reels and gigues irlandaises et rock, de Planxty à Fairport Convention en passant par Pentangle, Runrig ou encore Van Morrison. 0K, les premiers étaient de vieux babas, il vaut mieux aduler des poivrots édentés que des babs aux douilles trop longues. Mais Van Morrison, mister R’n’B, une voix à tomber net, l’un des plus grands artistes que cette terre ait portés? Celui-là est quand même garant de quelque chose, isn’t he ? Alors, docteur, est-ce grave de préférer au petit talent de la bande à Shane MacGowan la puissance émotionnelle d‘un Van Morrison ? Sûr que cela a dû l’énerver, ce barouf autour de ces guignols tandis que les vraies valeurs se perdent. Non, le véritable son irlandais n’est pas plus les Pogues que le son de la France Simon et les Modanais La véritable Irlande, bourrée de jus, de suavité et d’émotion, de talent et d’air, c’est cet album que Maître Van vient d’enregistrer avec ceux que justement les Pogues adulent, les valeureux Chieftains. L’Irlande qui pulse et frémit, celle de la Coleman Country Traditional Society, des Boys 0f The Lough. des Johnstons, des Dubliners, des Rakes et bien entendu des Chieftains, mariée au souffle, à la puissance d’évocation de Morrison, cela donne ce cocktail «old fashion» ensorcelant. Il paraît que les Pogues ne font pas du folk. Ah bon, c’est pour ça… Car, moi, je ne suis pas contre le folk quand il est intelligent et vrai. Comme cet album qui sent la bière ET le talent. Source

Alain GARDINIER, in Rock&Folk N°253, juin 1988

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