Van Morrison (6), king of rogue’n’roll

Rédigé par Rock critique / 04 décembre 2014 /

Si on vous demande de quel genre est la musique de Van Morrison – ce qui sans doute vous arrive tous les jours – le choix est le suivant : soit d'énumérer, tel un algorithme à bout de souffle, « eh bien, rock, soul, blues, folk, country, jazz… ». Soit de répondre, un rien énigmatique : « Van Morrison est un genre musical à lui tout seul ». Et de quel instrument joue-t-il ? Sa voix. Un peu de guitare et même de saxo parfois, mais l'essentiel est dans cette voix, puissante comme le vent couchant l'herbe sur la lande irlandaise. L'une des rares à vous faire dresser les poils par sa seule présence. Quand elle n'a pas décidé de s'absenter, ce qui peut se produire même en concert : plus d'une fois on l'a vue se réveiller subitement au bout d'une heure de pensum, pour nous emmener très haut.

Poetic Champions Compose (1987) n'est pas un des albums les plus cotés de Van Morrison. Mais il contient au moins deux splendeurs. Queen of the slipstream, où le chanteur n'a rien perdu de ses manières d'amoureux tout ensemble délicat et brutal : will the blush still remain on your cheeks my love ?, bougonne-t-il avec entrain. A mesure qu'il tresse des louanges à sa reine, le souffle qu'il imprime à la mélodie, sans jamais la ménager, fait naître autour une symphonie. Into the mystic encore une fois, dans les nuages, au ras des pâquerettes ou des ruisseaux, c'est comme on veut. Les meilleures chansons de cet homme emportent tout. Dylan pourrait chanter celle-là, mais moins bien. Did you get healed est lancé par un saxo suave, piano, puis place au volcan vocal qui fait couler le feu, sans cesse au bord de l'éruption. Le caractère teigneux de Van Morrison l'a toujours sauvé de toute espèce de mièvrerie, même sur les pentes savonneuses de l'amour transcendant et de la « guérison ». Tant que la chose est baignée d'une musique idéalement fluide et délivrée comme une engueulade, le prêcheur éternellement rogue s'en tire et on révère ce bon vieux sans concession.

à suivre

© FRANÇOIS GORIN, Télérama, Décembre 2014

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