Moondance (deluxe edition)
Rédigé par Rock critique / 10 décembre 2013 /
Sur la quarantaine de références que compte la discographie du plus illustre des chanteurs irlandais, Moondance tient la corde au petit jeu du “s’il-fallait-n’en-retenir-qu’un”. Preuve supplémentaire d’une faveur presque unanime (même si Astral Weeks fait figure de sérieux challenger), cette édition super Deluxe où sur quatre CD sont déclinés (fastidieusement parfois) des versions alternatives de chacune des dix chansons originales, ainsi qu’une petite poignée d’inédits. A la sortie de l’album en 1970, Van Morrison a 24 ans. Il a quitté Belfast et émigré aux Etats-Unis, laissant derrière lui une carrière aussi brève que foudroyante avec Them et quelques méchants classiques, dont Gloria et Here Comes the Night, repris respectivement par Patti Smith et David Bowie. Il est amoureux, jeune marié et bientôt papa. Une configuration affective qui a son importance. Car si Astral Weeks, paru un an plus tôt, est un disque du manque et de la douleur avec ses longues ruminations, comme autant d’extensions folk du “stream of consciousness” joycien, Moondance se veut celui de la plénitude. Certifiant une renaissance spirituelle et artistique (Brand New Day), les métaphores et les images pastorales abondent (And It Stoned Me), baignent dans un quasi-panthéisme où le vent, les nuages, la pluie, le soleil servent à peindre les changements d’humeur d’un écorché en quête d’apaisement. Pénétrant dans le vortex enchanteur de l’amour total (Crazy Love), Van oublie toute colère et chante en pleine lumière. Il en profite aussi pour réinventer sa musique, qui de monochrome passe à un camaïeu fauve avec cuivres, clavecin, basses rondes et guitares acoustiques, formule de base d’une soul celtique qui l’accompagnera désormais et dont il dépose ici la marque avec une fougue et une maestria qui vous laissent heureux et reconnaissant. Source Francis DORDOR, in Les Inrockuptibles, 10 décembre 2013
En 1970, avec à son actif Gloria, classique absolu du rock garage enregistré avec Them, et, plus encore, Astral Weeks, oeuvre en solo totalement unique, sommet de grâce, de lyrisme et d'improvisation entre jazz et folk, Van Morrison aurait pu d'ores et déjà lever le pied, vivre sur son acquis et son prodigieux gosier. Mais l'inspiration mystique du lumineux Irlandais bougon était loin d'être tarie. Moondance, plus concis, constitué de chansons plus définies, ne sonnait en rien comme une capitulation, un repli confortable. L'exigence et la sensibilité, la poésie et la prouesse vocale instinctive de Morrison y faisaient toujours merveille de bout en bout. Une fois n'est pas coutume, la réédition de l'album superbement remastérisé, accompagné de plus d'une quarantaine de prises alternatives de Caravan, Into the mystic, Glad Tidings ou Moondance, n'est pas qu'un bel objet inutile que l'on n'écoutera qu'une seule fois. Chaque prise, jusque dans ses couacs, déborde d'énergie et d'émotion, de la quête de l'interprétation aussi souple que parfaite. Et la voix de Van the Man de s'envoler, instantanément, à chaque fois, comme se libérant de tourments intérieurs. Mieux encore, cette édition, outre une reprise de Nobody knows you when you're down and out et deux longues improvisations r'n'b sur I've been working (le titre apparaîtra, nettement resserré, sur l'album suivant de Morrison), on découvre enfin l'original autrefois remisé de I shall sing, chanson connue seulement dans la version d'Art Garfunkel. Un titre joyeusement tonique, avec un superbe break de cuivres, abandonné parce qu'il ne collait pas au ton de l'album selon son auteur. Mais qui ajoute assurément, à travers ses multiples versions, un éclat supplémentaire à cette édition recommandée aux connaisseurs. Source Hugo Cassavetti , in Telerama n°3329 , octobre 2019