Van Morrison (7) bouffait du trèfle par la racine

Rédigé par Rock critique / 05 décembre 2014 /

Chercher Van Morrison sur la photo de groupe avec les Chieftains, c'est un peu comme chercher Charlie : il se fond dans la masse, il pourrait être un des leurs. Un musicien traditionnel, pétri de rye, de reels, de trèfle et de fiddle ? Hmm, c'est un peu plus compliqué que ça.

Disons qu'en 1987, après avoir, en bon baladin du monde occidental, version post-beat, roulé sa bosse d'une côte à l'autre des Etats-Unis, puis regagné les îles britanniques (Londres, Bath…), l'enfant de Belfast s'est retrouvé démangé par une furieuse envie d'Irlande. Elle se traduira par une installation près de Dublin, et pour nous par cet album d'une fraîcheur étonnante, Irish Heartbeat.

Le titre même était déjà celui d'un morceau du très fumeux Inarticulate Speech of the Heart – signe que le pays natal ne l'avait jamais tout à fait quitté. Celtic ray, lui, est un rescapé de Beautiful Vision (1982). Tout le reste est composé de traditionnels revus et corrigés par Morrison et Paddy Moloney, le chef des Chieftains ayant sobrement résumé l'affaire en parlant d'une « rencontre à mi-chemin ». Flanqué d'une bande de spécialistes, le fils prodigue en mal de racines creuse donc la terre éternellement meuble de la musique celtique.

Du filon sortent au moins deux diamants, et autant de versants du born again Van. Dans Star of the County Down, il arrive à brouiller les pistes entre la verdeur du gaillard qui a repéré une belle au village et fantasme à mort au point de vouloir l'épouser, et une voix égrillarde qui pourrait être celle de son père. La mélodie est familière, c'est aussi celle de Dives and Lazarus. Sur l'autre face, Carrickfergus est la grande ballade typique du trimardeur si loin de son pays et tout près de passer de vie à trépas. Morrison donne à cette scie folk ses accents les plus déchirants et les Chieftains font au moribond de l'histoire une escorte funèbre adéquate. Le reste de l'album est moins surprenant mais constamment tonique est d'une émotion juste.

à suivre

© FRANÇOIS GORIN, Télérama, Décembre 2014

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