Van Morrison (8), d’une bluette une tempête

Rédigé par Rock critique / 05 janvier 2016 /

Old Van est l'un des rares à avoir connu plus d'une période faste. Il y a naturellement celle qui court d'Astral Weeks (1968) à Veedon Fleece (1974), et là personne ne vous contredira.

S'ensuivit un deuxième cycle entamé par le trop bien nommé A period of transition (1977). Morrison n'est pas du genre à tourner autour du pot : quand transition il y a, ça fait un titre d'album. L'ennui, c'est que ladite période a étiré ses digressions scientologiques et retours mystiques sur une décennie. Avec naturellement des éclats, et même un net regain de forme sur la fin (A sense of wonder, No guru…), mais un grand creux au milieu.

Si la jouvence celtique de Irish Heartbeat a fait l'effet d'un starter, l'observateur un peu distant pouvait croire à une rechute new age au vu de la pochette d'Avalon Sunset – un cygne flottant sur de la marmelade. Et puis l'affaire démarrait un pied dans le bénitier avec Whenever God shines his light, entonné en duo avec Cliff Richard, ce has-been confit. Aucun rock critic digne de ce nom ne pouvait donner dans un panneau pareil.

Cela tombait bien, en 1989, je me sentais beaucoup moins rock critic. L'aspect gospel de la chose n'était pas un problème – il n'en avait jamais été un pour les fans de soul avec Sam Cooke ou Al Green. Un esprit soufflait sur Avalon Sunset et c'était celui d'une symphonie. Il suffisait de ne pas le dire trop fort. Quand un rocker annonce la couleur symphonique, ça rate en général. Les seules vraies symphonies pop le sont incognito. Have I told you lately, qui n'est pas la reprise d'un tube country d'Elvis, serait peut-être indigeste avec la voix d'un autre, et les fioritures du pianiste achèveraient l'auditeur le plus indulgent.

Mais d'une, c'est Van qui bronche et fait d'une bluette une tempête. De deux, l'ampleur des cordes (lyriques) emporte encore plus loin le morceau. A qui s'adresse le « you », à Dieu ou aux seins d'une de ses créatures, c'est une autre histoire et elle ne nous regarde pas.

à suivre

© FRANÇOIS GORIN, Télérama, Janvier 2016

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