Van Morrison and Joey DeFrancesco / You're Driving Me Crazy
Rédigé par Rock critique /
06 mai 2018 /
Le shouter de Belfast chercherait-il à établir une sorte de record, à défier ce satané temps qui file entre les doigts ? Les chroniques de "Roll the punches", paru cet automne, étaient à peine publiées qu'arrivait "Versatile", début décembre... Qui constituait donc le prédécesseur de ce "You're Driving Me Crazy". Pas précisément un album bouclé à la va-vite puisqu'avec ses quinze généreux morceaux, il aurait été considéré double en d'autres temps. Ce 39ème effort studio (!) marque l'une de ses plus profondes incursions en territoire jazz, celui des petites formations de Ryhtm'n'blues du milieu des années 50, telles celles de Ray Charles, salué ici par une version de "Sticks and stones". Pour ce faire, le forcené irlandais s'est adjoint les services d'hommes compétents : l'organiste Joey DeFrancesco, sorte de réincarnation de Jimmy Smith et remarquable trompettiste, plus les membres de son quator (guitare, saxophone ténor, batterie), experts en swing et caresses de velours. Une moitié de reprises, ballades, rythm'n'blues, blues, l'autre de compositions qui ne sont pas neuves, mais assez obscures, puisées au fil des quatre dernières décennies et qui s'incrustent parmi les standards sans qu'on n'y voie nulle différence. Seule "The way young lovers do" remonte aux sixties ("Astral Weeks") et bénéficie d'une orchestration plus légère, de subtils agencements confirment la beauté de la charpente. Surtout, on goûtera l'exquise décontraction, la pure expressivité des solistes et le plaisir du maestro, qui se fend d'un scat plein d'allégresse sur "Close enough for Jazz".
Bertrand BOUARD , in Rock&Folk n°609, mai 2018